C’est parce qu’Alexandra Beausire est une “mordue” de pédagogie, d’écriture et de neuro-éducation que ce projet est né. C’est parce qu’Eric Feltrino et l’équipe de direction sont à l’affût de ce qui peut mettre les élèves en situation de réussite que cette après-midi a pu être un “joli moment de rencontres et de poésie”… C’était un 19 avril….

Ecoutons Alexandra nous raconter la genèse du projet et son “incarnation” :

Tous uniques tous différents :

comment apprendre avec mes différences ?

« Je suis dys ! Et alors ? »

« Tous uniques tous différents », tel est le nom du projet initié jeudi 19 avril durant une après-midi au lycée professionnel Don Bosco à l’est de Nice avec une classe de troisième Préparatoire à l’enseignement Professionnel et une classe de quatrième Découverte de la Voie des Métiers.

L’objectif de ce projet ? Permettre à deux classes, dont 98% des élèves présentent des troubles DYS, de se rencontrer autour de ce trouble d’apprentissage pour le comprendre à la lumière des neurosciences afin de mieux appréhender les stratégies d’apprentissage et notamment la production d’écrit

Aux origines du projet, des rencontres. Depuis trois ans, Anne Valentin vient à la rencontre d’une vingtaine d’enseignants volontaires à Don Bosco pour les accompagner dans leurs pratiques et réfléchir à leurs postures. Les troubles DYS sont régulièrement au cœur des échanges, en dehors des aménagements à mettre en place en classe qui questionnent fortement les enseignants, ces derniers s’interrogent sur la compréhension de ces termes parfois barbares par les jeunes. « Dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, dyspraxie… », autant de Dys que de dysfonctionnements qui entrainent souvent chez les élèves des troubles émotionnels : manque de confiance en soi et stress. Mieux connaître “son DYS” ne serait-il pas une première étape dans la reconquête d’une confiance parfois perdue depuis longtemps ? Je suis Professeur de lettres-Histoire au Lycée professionnel. Avec la complicité d’Eric Feltrino, directeur des études des classes de 3ème et 4ème, et de Anne, nous avons décidé de construire une après-midi découverte autour de la différence en invitant deux écrivains, l’un à témoigner de son parcours, le second (poète-marcheur) à animer un atelier d’écriture. L’idée était de mieux comprendre le fonctionnement de son cerveau, faire connaissance avec les intelligences multiples et de concrétiser tout ceci par un atelier d’écriture.
Richard Wild, écrivain, a été invité pour introduire l’après-midi et présenter son parcours. Grand dyslexique, celui-ci a pu raconter aux jeunes son parcours scolaire chaotique à une époque qui ne connaissait guère les troubles DYS et faisait porter le bonnet d’âne aux enfants qui n’entraient pas dans le “moule bien beurré” de l’école. L’écrivain a émaillé son intervention de lectures d’extraits de son dernier roman Mémoires d’un dyslexique. Un dyslexique qui s’est dirigé vers un métier manuel pour manifester bien plus tard son potentiel créateur en devenant écrivain, ça existe !
Anne a ensuite mis les élèves en action avec le jeu du « Trouve quelqu’un qui… ».

TROUVE QUELQU

Chaque jeune a pu se lever pour échanger avec les autres (enseignants et AESH compris), afin de remplir un tableau destiné à révéler les habitudes, les habiletés de chacun. Trouve quelqu’un dans l’assemblée qui « sifflote ou chantonne en travaillant », « aime faire du bricolage », « fait du sport à haute dose » ou encore « aime jouer à des jeux vidéo ». En se découvrant les uns les autres, les jeunes ont pointé du doigt leurs goûts personnels qui en disent long sur leur rapport au monde et leurs intelligences.
 Cette seconde phase consistait en la découverte des intelligences multiples et du fonctionnement du cerveau. Une courte vidéo a en effet permis aux élèves de constater qu’ils n’étaient pas intelligents au singulier mais au pluriel avec 8 intelligences… Anne a pu commenter les vidéos et les interroger sur leurs intelligences dominantes, toutes utiles dans l’apprentissage.

 

Pour mieux les mettre en œuvre et pointer du doigt le potentiel créateur des jeunes, Patrick Joquel, poète marcheur et ancien professeur des écoles, a pris en main l’activité suivante. Il a pu présenter quelques-uns de ses ouvrages et lire l’un de ses poèmes en invitant les élèves à créer à leur tour. À partir du poème « Tu écris le mot mer », le poète a listé les 5 sens en jeu dans le texte et les intelligences que les jeunes pouvaient utiliser pour être plus créatifs. Les élèves ont tiré au sort un thème concrétisé par une image : rue déserte/montagne enneigée/ forêt, pluie, brume/ Magasins à Noël. À partir du thème et de l’image, chacun a pu écrire son poème sur le même principe que celui donné en exemple sur la mer.

Chaque participant a d’abord créé seul, les animateurs, AESH et enseignants présents, sont venus rassurer ou  aider ceux qui n’osaient pas “se lancer” dans l’écriture.

 

 

 

 

Certains AESH ont d’ailleurs joué le jeu en participant activement et avec engouement.

 

 

 

 

À l’issue de ce moment de création individuelle, les jeunes se sont regroupés par thème sur des tables placées en ilot pour mettre en commun leur production et créer, à partir de leurs productions premières, un poème commun !

 

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Après la phase d’écriture, vient la phase de partage, de lecture offerte. Ceux qui le souhaitaient ont pu lire à voix haute la production du groupe, les animateurs ont pris le relais quand certains étaient trop timides… « Ça tue madame notre poème ! », « Ouaah, là ils se sont pris pour des écrivains ! » a-t-on pu entendre au moment de la lecture.

 Qu’avons-nous appris sur nous et nos différences ?

C’est autour d’un goûter à 16H30 que les jeunes, les enseignants présents, les animateurs du projet et les AESH présents ont pu échanger fin d’après-midi.

Saisir le fonctionnement de mon cerveau, c’est mieux connaître mon trouble et mieux le gérer, si bien sûr je dispose de tous les aménagements nécessaires en classe. Bien comprendre comment je fonctionne n’est-il pas la clef pour redonner confiance aux jeunes qui se sentent bien souvent montrés du doigt depuis l’entrée à l’école ? Toutes nos intelligences entrent en jeu pour apprendre, les mettre en marche pour “faire” ou “oser faire”, tels étaient les enjeux de cette après-midi “test” qui aura permis aux animateurs de repenser l’atelier pour l’améliorer encore.

Dans la logique du « Tous uniques tous différents » en titre du projet, force est de constater que nous apprenons tous différemment. Je bouge, je chante, je dessine ou je siffle, toutes les intelligences entrent en jeu au quotidien pour apprendre et créer. À la question quelque peu provocante posée par ce projet « Je suis dys ! Et alors ? », on retient bien sûr que les troubles DYS rendent souvent complexe l’apprentissage, et ils ne sont pas les seuls… Reconnaître cette difficulté est une première étape importante. Pourtant, si mon intelligence linguistique se trouve parfois en berne, je ne suis pas en reste et ma créativité est souvent “boostée” par d’autres intelligences qui s’affirment avec force !

Aux jeunes le dernier mot… De retour en classe le lendemain, les élèves ont pu échanger avec leurs professeurs de lettres sur ce moment passé la veille hors la classe. Certains se sont dit étonnés d’apprendre par la bouche de l’écrivain R. Wild que de grandes personnalités comme Einstein ou encore Churchill étaient dyslexiques. Beaucoup ont été surpris par l’existence de 8 intelligences, ils ont «adoré découvrir leurs intelligences ». Tous ont apprécié l’atelier d’écriture, la créativité attendue et la mise en commun. « De cet atelier on retient que tout est possible » a conclu un élève de quatrième le lendemain.

Alexandra Beausire
Professeur de Lettres/Histoire à Don Bosco

Quelques poèmes…. pour notre plus grand plaisir !