Il y a quelques semaines, je vous parlais de “portrait chinois” pour commencer un parcours de lecture en enseignement explicite. Comme promis, voici la suite de la séquence. Une belle rencontre à partager avec vous également, c’était samedi après-midi dernier, à 16 H00, au Festival du Livre de Mouans Sartoux, Josef Schovanec venait parler d’intelligenceS et d’autisme. Et enfin, nous l’attendions avec impatience, la version Béta du kit Atole pour les ados est disponible au téléchargement…
Ravie de partager tout ceci avec vous, cette semaine encore !

Vous rappelez-vous qu’avec les CE2 et les CM1 de Fénelon, nous travaillons à enseigner la compréhension de lecture ? Est-il révolu le temps où l’on pensait que lire et comprendre, c’était “automatique”, et que ça ne s’enseignait pas ? Un peu comme pour Ecrire, “on a le don, ou on l’a pas !” Je ne sais pas s’il est révolu, ce dont je suis sûre c’est que mettre les élèves en situation de questionnement, en posture “d’enquêteur”, de chercheur et de leur donner des clés pour ouvrir les portes de l’implicite est tout simplement jubilatoire !
Les 2 séances qui ont suivi nos créations de texte sur “Si la lecture était …” ont été consacrées à rendre “visibles” les processus de compréhension. Quelles stratégies vais-je utiliser pour comprendre le texte lu, puis montrer que je l’ai compris ? Nous nous appuyons largement sur le dispositif “Je lis, je comprends” que nous utilisons depuis de nombreuses années, en l’adaptant à nos profils de classe.
La première séance avait pour objet de repérer que, dans un texte,  l’information nous est donnée soit clairement, explicitement : “Zorbas, le chat noir…..”, soit, elle est suggérée : “Mais tu es dans un état épouvantable, miaula Zorbas”. Pour en prendre conscience, rien de tel que deux textes en apparence semblables, mais “transformés” (pardon, Monsieur Sepulveda) pour la bonne cause ! Un texte A, un texte B. L’un avec les informations explicites, l’autre, plus résistant. Moins précis, ont dit les élèves, dans un premier temps.
➡ Texte original
texteaveciexplicite+questions ;  texteaveciexplicite+questionsdys
texteavecimplicite+questions ;  texteavecimplicite+questionsdys

Avant toute activité, nous nous mettons en intention d’être concentrés sur la lecture du texte qui nous est remis, pour pouvoir répondre aux deux questions :
– Le texte met en scène deux animaux. De quels animaux s’agit-il ?
– L’un de ces deux animaux est malade, que lui est-il arrivé ?
Nous savons que nous devons lire le texte (perception visuelle), nous savons quelle doit être notre posture (R.A.P : regard, Attention, Posture). Nous sélectionnons donc le PIM qui convient (si je parle chinois, jetez donc un oeil sur Atole !!).
Les élèves, individuellement, lisent le texte. Ceux qui ont besoin d’être étayés le sont. Ceux pour lesquelles une police open dys est nécessaire ont le support adapté. Pas de timing… Dès qu’un élève a terminé et répondu aux questions, il cherche un “partenaire” qui a le texte A s’il est B, et inversement.
Première mission, comparer les réponses aux deux questions et établir un consensus, ou pas,  d’ailleurs. En effet, le texte avec implicite, permet d’inférer que le volatile est un oiseau, mais rien ne nous dit que c’est une mouette. On peut juste en faire l’hypothèse, en s’appuyant sur l’information que cet oiseau a subi les dégâts d’une marée noire (“la peste noire, la malédiction des mers”) et que les oiseaux qui survolent les mers sont souvent des mouettes… C’est exactement ce qu’ont dit des élèves !
Deuxième mission : Montrer (en surlignant) les mots ou expressions du texte qui nous ont permis de répondre.
C’est à cette étape que les élèves se sont rendu compte qu’ils n’avaient pas tout à fait le même texte…
Nous les laissons sur ce mystère.

 

 

Après le rituel d’attention, la 2ème séance commencera par la lecture, par l’adulte, des deux textes. Les discussions s’engagent. Les CM1 puisent dans ce qu’ils ont découvert l’année passée et réinvestissent leurs acquis (chouette !). Ils retrouvent aisément les stratégies :
La réponse est dans le texte, je me mets en “mode copieur, ou recopieur”, associée à l’image.

 

Je cherche des mots ou des phrases qui vont être des indices. Je me mets en mode “détective ou enquêteur” ; c’est là, d’ailleurs où l’on s’aperçoit que bien souvent l’indice qu’il faut trouver “croise” la 3ème stratégie, à savoir, s’appuyer sur ses connaissances pour inférer. Ainsi, lorsqu’un élève me dit qu’il s’est “appuyé” sur “il” pour dire que c’était bien le chat dont on parlait, parce que c’est masculin-singulier, que ça “dit que c’est le chat, mais qu’on a pas voulu répéter le mot chat”, on est bien d’accord qu’il s’appuie sur ses connaissances grammaticales et sur le repérage de la chaine anaphorique… Cette réponse aussi complète me fut donnée en CM1. En CE2, ils ont bien l’intuition que “il” et “le chat” sont bien le même personnage, mais ne parviennent pas à donner une explication aussi formelle…. Normal ! Et, je précise que tous les élèves, je dis bien tous peuvent ainsi explorer le texte, puisqu’il leur est rendu accessible, soit directement, soit avec une adaptation, soit avec une lecture accompagnée.

 

La réponse est dans le texte, mais “cachée”, et c’est en allant chercher “ce que je sais de….” dans mon cerveau, que je peux répondre. Je me mets en “mode génie”.

Le tableau présenté dans le dispositif “Je lis, je comprends” est tout à fait intéressant, lui aussi.

Ainsi, les élèves de CE2 ont parlé des ailes pour identifier l’oiseau. Palmipède mazouté a posé plus de questions, mais a donné lieu à un “joli moment de vocabulaire” où l’on a convoqué les palmes et le tuba, le mazout…. et on s’en est sorti  (pas comme cette pauvre mouette !). Les CE2, toujours, ont évoqué leur propre chat qui se prélasse au soleil, et ont apporté de l’affectif à leurs réponses.
Les CE2 ont vite compris les 3 stratégies, et s’en sont emparé avec délice. Jouer aux détectives, c’est super !
Le moment de la justification fut passionnant. En effet, dans les hypothèses émises sur les 2 animaux en présence, celui de l’abeille m’a tout d’abord interpellée. Marion (prénom inventé)  soutenait avec force qu’il s’agissait d’une abeille. Nouvelle plongée dans le texte, et là, le mot “bourdonnement” me saute aux yeux. Ni la maîtresse, ni moi n’avions anticipé cet obstacle. Pour elle, seule une abeille pouvait bourdonner… Dialogue passionnant s’en suit. Difficile de changer d’avis pour notre petite Marion (flexibilité cognitive)… Un élève trouve l’argument choc en citant la phrase d’après…. Eh oui, une abeille qui s’abat sur un balcon, c’est vraiment une abeille monstrueuse…. Faut-il encore connaître le sens de “s’abattre”, me direz-vous ! Par chance, elle le connaissait ! Ainsi on voit l’importance capitale que revêtent nos séances de vocabulaire, reliée à des fragments de textes d’auteurs afin d’accroitre le stock lexical des élèves, en contexte.

Nous terminerons la séance par un très court texte où tour à tour les 3 stratégies sont convoquées afin de stabiliser les acquis.

Je ne vous cache pas que, dans les deux classes, les élèves réclament la lecture du roman de Sepulveda dans son intégralité ! Sachez qu’il existe aussi la version audio, racontée par Bernard Giraudeau. Avec talent, il “fait” toutes les voix… Ainsi, on peut alterner la lecture seul(e), la lecture par l’enseignant et le CD audio. Tous y trouveront leur compte. Ce roman merveilleux traite tout autant d’écologie que du bonheur de l’accueil de la diversité. Il est à rapprocher de “Je te sauverai” (Magnard, Que d’histoires)  très jolie fiction, lue par les élèves l’an dernier, et qu’ils n’ont pas manqué de “re-convoquer”…
Mise en réseau spontanée !

 

 

Bon, convenons-en, cette synthèse de nos séances ne serait pas complète sans un petit tour vers les textes officiels… 😉

Les voici, en images :

A suivre….

 

Certes, la prise de vue n’est pas des plus réussies, j’en conviens, mais je n’ai pas osé m’approcher… C’était samedi dernier, dans une salle de la Strada à Mouans Sartoux, lors du Festival du livre. Josef Schovanec était venu présenter son dernier livre

et répondre aux questions d’un journaliste et du public. Avec une syntaxe irréprochable, des mots justement choisis, il nous a emmené dans son pays des autistes, nous a expliqué sa vision de l’intelligence, des intelligences. Avec humour et sensibilité, il a conquis la salle et on l’aurait bien écouté des heures encore !
Et bien, justement, retrouvez-le sur France Culture dans une belle émission de philosophie, magistralement menée par la journaliste. 55 minutes d’écoute sans un seul décrochage attentionnel !! Cet homme est passionné et passionnant.

 

 

 

extrait des supports visuels du kit ©Atole/Adole 2018 – ©JPLachaux

Voici ce que nous écrit Bénédicte Terrier, collaboratrice de Jean-Philippe Lachaux pour le projet Atole, ATtentif, à l’écOLE.

“Vous étiez très nombreux à nous demander une version d’ATOLE “ATtentif, à l’écOLE”, pour le collège et le lycée. Après un gros travail de conception puis de partenariat avec des collègues du secondaire et des élèves du supérieur, vous trouverez ci-dessous, à télécharger, le kit pédagogique complet du programme “ADOLE” (surnom pour “ATOLE pour ADOlescents), dans sa toute première version à “bêta-tester” :

https://drive.google.com/open?id=1ile9CjTCieYh8Ncb96T32j-OM2y91i1L

Avant de vous lancer dans le guide de l’enseignant et les séquences pédagogiques ADOLE, nous vous conseillons de lire attentivement les précisions de Jean-Philippe LACHAUX, qui récapitule la philosophie d’ADOLE ainsi que ses écueils probables (du fait de sa naissance toute récente 😉

ADOLE_A-LIRE-avant-de-se-lancer

Nous comptons sur les enseignants des collèges et lycées, ainsi que les accompagnants (psychologues, AVS, etc.), pour nous indiquer si vous allez réellement souhaiter tester ADOLE cette année, et si oui, toutes vos remarques seront les bienvenues ! Nous prendrons en compte vos remontées (tant sur le fond que la forme) dans la prochaine version.

Bonne lecture, et un énorme merci d’avance pour votre bienveillance face à cette version bêta-test !,Cordialement,

Bénédicte, pour Jean-Philippe LACHAUX et l’équipe ATOLE

 

Bonne lecture, bonne écoute… Gardez-en un peu pour les vacances !

 

“Jadis, on appelait pédagogue l’esclave qui conduisait à l’école l’enfant noble.
Hermes accompagnait aussi parfois, comme guide.
Le petit quitte la maison de famille ; sortie : deuxième naissance.
Tout apprentissage exige ce voyage avec l’autre et vers l’altérité.
Pendant ce passage, bien des choses changent.”

Michel Serres, le Tiers-Instruits