diapositive1

C’était il y a quelques jours, à Paris, dans le splendide palais Iéna, que se sont retrouvés plus d’une centaine “d’acteurs” de l’école inclusive… Il s’agissait d’observer ensemble comment en 11 ans l’accueil de la différence avait évolué, et quelles perspectives s’ouvraient à nous, quelles actions étaient encore à mener. Ensemble, établir un état des lieux, onze ans après la loi de 2005 sur la scolarisation des élèves en situation de handicap mais aussi partager des outils et des “bonnes” pratiques afin de bâtir une culture inclusive commune.franc%cc%a7oisemaineFrançoise Maine, coordonnatrice du département éducation au Secrétariat Général de l’Enseignement Catholique, a ouvert la journée et en a assuré le fil rouge. Quand on parle d’école inclusive, de quoi parle-t-on ? Nous entendons-nous bien sur les termes utilisés au fil des réformes et du regard que la société (dont l’école fait partie) porte sur les situations de handicap ou sur la grande difficulté scolaire ?

Saurez-vous remettre les termes suivants sous chacun de ces symboles ?

jeuecoleinclusiveDoc à télécharger pour trouver les réponses et plus encore :  ecole-inclusive-2 ; historique-segregation-integration-inclusion-1
L’ensemble des documents et outils utiles, vraiment bien faits pour réfléchir en équipe sont à retrouver ici.

Jérome Brunet, Adjoint au Secrétaire général (Pôle Animation Educative) fait suite à Françoise Maine et réaffirme l’engagement de l’Enseignement Catholique dans ce vaste projet d’école inclusive.
“Nous nous impliquons parce qu’il faut le faire, notre contrat d’association nous invite à prendre notre part à cet effort national ;
Nous nous impliquons car le ministère auprès des plus petits est un devoir. Nous devons ouvrir des structures et être accueillants.”

Il mesure le chemin parcouru et celui qui reste à parcourir. En 2015,  240 000 élèves en situation de handicap sont accueillis dans nos établissements contre 160 000 en 2006. Savons-nous que 9,6 millions de personnes sont en situation de handicap en France,  et que seuls 40 % d’ERP (Etablissements Recevant du Public) sont accessibles, mais aussi que 22 % des personnes en situation de handicap sont au chômage, et que sur la planète, 90 % des élèves en situation de handicap ne sont pas scolarisés ? Chez nous, en France, 18 000 jeunes n’ont pas de situation scolaire correspondant à leur handicap… On mesure tout ce qui reste à entreprendre et tous ceux que nous devons encore convaincre …. Grâce au plan “égalité des chances”, 350 ULIS ont pu être ouvertes et les demandes d’ouvertures se multiplient. Les regards se modifient et des situations se dénouent. “Nous nous impliquons dans ce projet car nous avons l’intime conviction que la fragilité, la difficulté, la différence ne sont plus des obstacles à franchir mais de nouveaux chemins à emprunter. La personne est un être fragile. Chaque être humain est vulnérable.”

Comment les accueillir et les accompagner au mieux nos élèves “différents” ? Les injonctions, la bonne volonté ou la compassion ne suffisent pas. Et comme l’écrit si justement Véronique Poutoux : “L’école inclusive « inclut » la dimension sensible, lui donne sa place, pour ne pas créer d’exclusion plus durable. C’est un effort de conscience que chaque éducateur est invité à faire. C’est un apprentissage, toujours à refaire, non inscrit dans les textes, de l’objectivation du réel pour nous-mêmes et pour nos élèves.” 
Et encore : “Quand nous parlons de nos élèves (ndlr : transférables à tous nos élèves) qui nous mettent en difficulté, pourrions-nous commencer à énoncer d’abord toutes leurs qualités, et à favoriser une sollicitation de ces dites qualités ? Mobiliser les forces encourage, permet des réussites et peut aussi favoriser le développement d’aptitudes moins bien partagées. Les collègues de l’école de Versmé à Vilnius travaillent ainsi, faisant le pari que développer les points forts permet, dans un mystère non encore élucidé, d’améliorer les points faibles. Cela nécessite de notre part un vrai changement d’angle de vue.”
On le comprend bien, l’école inclusive s’appuie sur des conceptions de l’homme et la reconnaissance de notre propre vulnérabilité. On n’apprend pas à faire l’école inclusive sans hésitation entre ombre et lumière. On n’apprend pas à faire l’école inclusive, seul(e) dans un système où la logique administrative prendrait le pas sur la logique pédagogique. Cette dernaccessibilitepedagogiqueière assortie de la logique environnementale est à explorer ensemble, en équipe, avec flexibilité, souplesse, modularité. Penser l’accessibilité pédagogique comme on pense celle des bâtiments … Rendre accessible un contenu, permettre l’élaboration des compétences, mettre l’évaluation positive au coeur du dispositif d’apprentissage, c’est aussi se dégager du jugement qui enferme et discrimine…

veropoutouxVéronique nous fait l’amitié de nous offrir un article spécialement rédigé pour “Accueillir les Différences”, qu’elle en soit vivement remerciée.

Quels points d’appui et quelles perspectives pour développer une école inclusive ?

La loi de 2005 s’est imposée et a conduit les établissements à « entendre » la question de la scolarisation des élèves à besoins éducatifs particuliers. Loin derrière nous la période où les élèves handicapés étaient exclus de l’école, où les élèves avec des difficultés d’apprentissage ou de comportement n’étaient pas compris mais étiquetés définitivement comme « en difficulté » !

Oui, de « nouveaux » élèves sont arrivés et de « nouveaux » éléments de compréhension nous ont été donnés. Ainsi aujourd’hui tout enseignant doit adapter ses pratiques pédagogiques à des élèves « dys » ou présentant tout type de déficience.

Pour autant ce passage « en force » pose de nombreuses questions et met en difficulté de nombreux enseignants. Pour comprendre ces évolutions, l’article paru en Aout 2016, l’école inclusive, quelles réalités, quelles transformations depuis la loi de 2005,[1] donne des éléments sur le chemin parcouru.

Comment alors aller plus loin aujourd’hui ?

Nos travaux nous conduisent à poser les éléments suivants :

  • Une conception forte de l’être humain partagée en équipe :

S’appuyer et faire vivre dans les établissements et dans les classes une conception de l’homme qui [2]reconnait que chaque être humain est unique, sacré. Il n’y a pas de vie « minuscule » ; qui reconnait des zones de vulnérabilité qui sont aussi la force de chacun. Car quand je suis faible c’est alors que je suis fort.[3] Ces convictions fortes et vécues transforment obligatoirement le regard sur les élèves, sur les collègues, l’équipe de direction et les familles. Elles obligent à laisser de côté la « superbe » habituelle de l’enseignant qui sait, de l’école qui dit ce qu’il faut faire ? La fréquentation d’élèves différents nous redit, à condition de se situer comme de vrais ethnologues, qui cherchent à comprendre en profondeur ce qui se vit, se pense, se joue dans les « intérieurs » nous montre combien l’inattendu est au rendez-vous, combien la part de mystère déjoue les déterminismes et les étiquettes posées. Mais sommes-nous prêts à cela ? Cela implique donc de rechercher davantage de compréhension et de quitter nos peurs et notre maitrise habituelle.

  • Que chaque établissement devienne inclusif :

Ce n’est pas au nombre d’inclusions que se jouera cette transformation, ni même à la présence ou pas d’ULIS ! Mais plutôt en intégrant la vraie notion de dispositif pas seulement en ce qui concerne les fameuses ULIS mais en adoptant des organisations de regroupement d’élèves beaucoup plus modulaires, flexibles. Le format classe doit-il demeurer ? Les cycles et la logique de compétence conduisent aussi à cette transformation et donnent cette latitude. Nous pourrions le faire… Mais cela oblige à un effort de conceptualisation, de créativité et d’audace.

C’est l’ensemble de la communauté éducative qui est responsable de l’ensemble des élèves. Il n’y a pas les élèves de l’ULIS, mais ces élèves sont les élèves de tous. Cela suppose un travail en équipe et des conditions pour le réaliser. Rappelons à ce sujet que le temps de travail d’un enseignant n’est pas le nombre d’heures en face à face pédagogique mais comporte aussi les heures de suivi des élèves et de travail en équipe.

Les pratiques d’évaluation sont appelées à se modifier. Car pour ces élèves aux besoins éducatifs particuliers, seule l’évaluation positive est possible ; c’est-à-dire celle qui fait état des progrès et des acquis réels et qui se dégage de la norme. L’évaluation devient équitable. Pour cela, les enseignants doivent abandonner l’idée d’égalité mal comprise. Qu’est-ce qui est juste ? Que tous fassent le même devoir sans aides appropriées ? Que tous fassent le même devoir avec les aides dont ils ont besoin ? Que tous ne fassent pas le même devoir avec des aides appropriées ? Cela nécessite de savoir précisément ce que les élèves sont en train d’apprendre, ce qui est visé comme devant être acquis par tous et aménagé pour certains ?

  • Conduire de mieux en mieux des partenariats efficients et respectueux avec les différents intervenants et les familles.

Ce sont de nouvelles compétences relationnelles, de communication qui sont en jeu ici qui nécessitent aussi vis-à-vis des parents cet effort de compréhension de leurs vécus, de leurs expériences. Le présupposé de départ étant la confiance : à priori ce que me dit ce parent, je le prends pour vrai et ne commence pas à en douter. Si en classe cet enfant ne parle pas, et que les parents disent « à la maison, il parle » ; l’enseignant doit entendre cette version. Les équipes de suivi de scolarisation sont des lieux et des moments très importants et à risque. Comment donner la parole à chacun ? Comment donner autant de valeur à la parole de chacun ? L’enseignant référent et le chef d’établissement doivent garantir cette sécurité et ce respect mutuel.

  • Intégrer la notion d’accessibilité dans le travail de préparation des cours. En quoi les situations d’enseignement/apprentissage sont-elles accessibles pour tous ?

Cela nécessite la recherche en amont des obstacles contenus dans la proposition pédagogique, et inverse la démarche habituelle qui est de remédier à postériori ! Du simple focus sur les facteurs individuels, il convient d’ajouter ce focus environnemental, de combiner ces deux focus dans le travail de préparation.

Dans le temps de l’éducation, temps long des transformations, depuis la loi de février 2005, il y a eu des évolutions ; celles-ci doivent se poursuivre et transformer vraiment l’école. Le poids des politiques éducatives et du système est bien là ; mais les acteurs ont des marges d’initiative qui sont la respiration nécessaire en cette époque incertaine.

Véronique Poutoux, 22 novembre 2016.

[1] A lire sur : http://www.versunecoleinclusive.fr/2016/08/23/synthese-des-entretiens/

[2] C. Gardou. La société inclusive, parlons-en ! Il n’y a pas de vie minuscule. Editions Eres, 2012

[3] St Paul. Lettre aux Corinthiens. 2.chapitre 12. 10

 

OLYMPUS DIGITAL CAMERA

C’est également le message de relations humaines authentiques que nous transmettra Hélène Bonsergent, psychothérapeute, psychologue, spécialiste de l’Approche Centrée sur la Personne (ACP, Carl Rogers) lors d’une intervention de qualité. Elle commence ainsi :
“Pouvons-nous vivre ensemble et différents ? On est beau quand on est reconnu par l’autre… Le jugement est une protection, une défense. Il y a jugement lorsqu’il y a insécurité du “moi”…
La source du jugement est l’éducation ; le jugement déclenche des pensées négatives sur soi… Si l’éducation doit être le lieu de la sécurité, elle doit être le lieu de l’apprentissage du non-jugement.”

“En apprenant à nous connaître en profondeur, nous devenons des citoyens plus créateurs et solidaires. Cela demande juste un peu d’apprentissage …” (Thomas Dansembourg)

Quelques mots sur l’Approche Centrée sur la Personne éclairent bien ces propos.
Carl Rogers s’est intéressé à la psychologie alors qu’il se destinait à être prêtre. Tout au long de son parcours, il a développé plusieurs champs d’action :
– la thérapie
– l’éducation
– les relations humaines
– les conflits internationaux
(Ndlr : Voir aussi Marshall Rosenberg et la Communication Non ViolenteLes mots sont des fenêtres ou bien ils sont des murs de Marshall Rosenberg, Syros, 1999. Marshall Rosenbert s’inspire largement de Carl Rogers dont il a été l’élève. Ou encore “Cessez d’être gentil, soyez vrai” de Thomas Dansembourg, psychothérapeute et certifié en CNV).

Carl Rogers définit 3 conditions nécessaires ensemble pour qu’une personne puisse se faire confiance et aller vers ce qu’il y a de plus positif en elle.

  • La considération positive et inconditionnelle : j’ouvre à l’autre, sans jugement, sans apriori,cette posture se décrète et ça se travaille ! Quand on la pose, on se rend compte qu’on a besoin d’empathie.
  • L’empathie : C’est la capacité à rentrer dans le monde de l’autre, comme si on était dans ce monde, et reformuler ce qu’on comprend de l’autre. L’empathie, ça n’est pas forcément être d’accord. Elle est possible s’il y a réciprocité.
  • La congruence : Que se passe-t-il en moi ? c’est l’authenticité. Je suis conscient de ce qui se passe en moi, et j’accepte que l’autre s’en aperçoive. Voilà ce qui se passe pour moi. La congruence demande de faire avec soi-même ce que l’on va faire avec l’autre dans l’empathie. La congruence est aussi l’adéquation entre mon non-verbal et mon verbal. C’est la plus difficile et la plus puissante des 3 conditions.
    Ces 3 conditions vont créer un sentiment de sécurité. Nous allons nous rendre compte que l’autre a des fragilités, des peurs, des désirs, des joies comme nous…et peut-être les mêmes ! Si on peut “grandir avec ça”, c’est-à-dire prendre l’habitude de pas être jugé et de ne pas juger, la sécurité affective et cognitive s’installe. On compreplafondienand mieux l’autre tout en se comprenant soi, en se faisant confiance.  On a toujours envie de faire bien et de se développer quand on n’est pas jugé.
    Voyez-vous en quoi cette approche peut permettre l’école inclusive ?

 

pascalbalmandPascal Balmand, secrétaire général de l’enseignement catholique nous donnera le signal de la fin de la journée, mais pas de notre mission, avec un propos emprunt d’espérance et d’humanité. En voici quelques extraits pris à la volée….

“L’inclusion, éclaire un chemin pour toute l’école. Une école un peu plus fidèle à sa mission. L’inclusion fait bouger les lignes de toutes nos pratiques pédagogiques, libère l’école de ses carcans. Le contraire d’inclusion, c’est l’exclusion. Les formes en sont très variées, très souvent inconscientes et involontaires, mais aujourd’hui nous sommes en face d’une parole de peur qui appelle à l’exclusion. Nous sommes des éducateurs dans l’école catho, nous devons résister à tous ces discours, c’est l’une de nos responsabilités premières. En montrant et en rappelant que la différence est belle, féconde et que ce sont bien nos différences qui fondent notre commune humanité. Chacun de nous est unique et du coup, différent. Celles et ceux qui sont “plus différents que les autres” se situent au cœur de cette commune humanité. C’est à sa façon de faire sa place aux faibles et aux petits qu’une société, qu’une école peut être évaluée. Les faibles et les petits sont aussi les forts.  Ils sont nos frères et sœurs ainés en humanité.  

Nous sommes encore plus d’autres dans l’exigence d’incarner cette inclusion. Chaque enfant, chaque jeune qui se sent chez lui, chez nous nous donne l’énergie de continuer.”


Pour compléter ce rapide aperçu de cette journée du 10 novembre 2016, cet excellent texte :  “L’inclusion scolaire : qu’en est-il ?” Par Christine PHILIP, Maître de conférences honoraire en Sciences de l’Education de l’INS HEA. A télécharger : l_inclusion-scolaire-2-c-philip

Manon et Morgan, championnes de France de natation et de tir à l’arc ont témoigné durant cette journée de leur vie, de leur séjour à Rio avec les champions olympiques, de leurs difficultés mais aussi de leurs joies. Retrouvez quelques unes de leurs réflexions, temoignagesenfant

 

Rajout du 24/11 : A écouter car passionnante, notamment à propos de la question sur le terme “en situation de handicap” dite désormais à la place de “personne handicapée”, mais aussi par les témoignages des invités sur le regard de l’autre, l’image de son corps meurtri… Malgré tout, l’émission reste “joyeuse” et riche de paroles d’espérance.

grandbienvousfasse

 

 

 

 

 

 

 

 

 

integrationinclusion