Nous nous sommes quittés sur une “devinette”, vous vous rappelez ? Quel mot est écrit “juste” à 100 % en CP ? Et bien, c’est le mot dictée ! Aujourd’hui, pour ce dernier épisode, avant la publication le 11 avril prochain des préconisations, et des vidéos de toutes les conférences, nous allons nous pencher sur le geste d’écriture et sur l’évaluation des écrits, vous me suivez ? Allons-y…Jean-Luc Velay, chercheur en neurosciences cognitives, au laboratoire de neurosciences d’Aix-Marseille va tenter de répondre à la question,  “Manuscrite ou numérique, cursive ou scripte” : Peut-on choisir entre différentes formes d’écriture mais aussi quel impact a geste grapho-moteur sur la qualité rédactionnelle ?

L’apprentissage commence très tôt en France, dès la petite section de maternelle et pourtant, on le sait aujourd’hui, l’écriture relève davantage du contrôle moteur que du langage. Il va falloir apprendre à automatiser le geste graphique car des études montrent qu’un enfant qui ne contrôle pas son geste graphique a des produits de moins bonne qualité, et une moins bonne lecture. Un réseau multimodal  se mettrait en place au moment de l’apprentissage conjoint de la lecture/écriture. Une fois en place, l’ensemble du réseau est réactivé lorsque l’on écrit (écriture manuelle).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Si la graphomotricité n’est pas automatisée, l’enfant qui écrit se trouve dans une situation de double tâche :
– gérer le contenu (lexical, syntaxique, sémantique) du texte à écrire
– contrôler le geste en cours d’exécution
Une partie de la mémoire de travail, des ressources attentionnelles et cognitives est donc allouée au contrôle moteur au détriment des processus linguistiques (faites l’essai en écrivant avec votre main non habituelle, vous verrez tout de suite les conséquences sur la qualité de votre rédaction !!). Les textes produits sont alors de moins bonne qualité, moins riches en terme de contenu et de moins bonne qualité orthographique.

Avec l’arrivée massive du numérique, et la meilleure connaissance que nous avons des troubles de l’écriture, faut-il abandonner l’écriture manuscrite, comme l’ont fait les USA ? Notre conférencier prône la co-existence de tous les moyens :

  • l’écriture papier/crayon
  • la tablette tactile avec et sans stylet
  • le clavier de l’ordinateur

L’aide apportée aux élèves avec dyspraxie/dysgraphie est réelle lors du passage au clavier ou au tactile, c’est une véritable compensation pour la majeure partie d’entre eux et l’outil leur permet d’entrer dans l’écrit (NDLR : surtout s’ils sont bien accompagnés par un ergothérapeute). N’oublions pas, malgré tout que lorsque l’on écrit à la main, c’est la mémoire sensori-motrice qui est en jeu…
Pour en savoir plus, une excellente émission de la tête au carré, avec Jean-Luc Velay comme invité, c’est ici.

 

 

 

 

et une conférence “Apprendre à écrire demain”, quel enseignement, et quelle écriture ? Un point de vue des neurosciences cognitives (prévoyez 1 heure… et de quoi prendre des notes…)

 

 

Nous terminerons ce “feuilleton” de l’écrit par la question parfois brûlante de l’évaluation des écrits des élèves… C’est Claudine Garcia-Leblanc, professeur en didactique du français à l’École Supérieure du Professorat et de l’Éducation de Toulouse (ESPE Midi-Pyrénées, France) et membre de l’Équipe de Recherche en Syntaxe et Sémantique au sein du laboratoire “Cognition, Langues, Langage, Ergonomie” à l’Université Toulouse-Jean Jaurès-campus Mirail (France) qui nous propose des constats et quelques éléments d’analyse. “Evaluer , c’est apprécier la valeur,  dis-moi ce que tu évalues, je te dirai ce que tu enseignes.”, jolie entrée en matière ! Tous nos conférenciers s’accorderont à dire que les pratiques de l’écriture, de la rédaction sont très inégales. Claudine Garcia Leblanc prend le problème par le “bout” de l’évaluation et tente une explication (à laquelle j’adhère volontiers) : “La lourdeur de l’évaluation des productions écrites est certainement une explication au frein à faire écrire.” L’enjeu (et la formation initiale et continuée est là, fondamentale) sera d’impliquer l’élève dans l’évaluation et la réécriture de ses propres textes et des textes de ses camarades. En effet, dans la tête des élèves, le professeur ne lit pas mon texte, il le corrige ! Effectivement, dès qu’il y a évaluation, il y a critères et norme. Avec une typologie de postures de l’enseignant décrites ainsi :
– le gardien du code
– le lecteur “naïf”
– le “stimulus-réponse”
– l’éditeur (révision textuelle, sans qu’il y ait de jugement porté)
– le “critique” (qui propose des améliorations)

Ainsi, on comprend que selon l’angle choisi pour évaluer, les annotations, les recommandations, les propositions faites à l’élève seront différentes et sources d’apprentissage ou tout simplement de correction. Les évaluations critériées (dans les années 90) sont intéressantes, bien sûr…mais …“Apprendre à écrire un texte pragmatiquement, sémantiquement et morphosyntaxiquement recevables, développer chez tous les élèves une compétence d’écriture de base. L’attention de la recherche EVA, dit Catherine Tauveron s’est portée effectivement sur le produit et le processus mis en oeuvre pour le produire … Mais le sujet affectif, son rapport personnel à l’écriture et, en amont de l’écriture, les procédures de stimulation de l’imaginaire ont été délibérément écartés comme objet d’étude, l’objectif était d’abord “d’instrumenter” l’élève : le doter de moyens d’analyse des conditions sociales effectives de production et de réception de textes ; favoriser son appropriation de la valeur socio-énonciative des unités linguistiques, seul gage d’une maîtrise effective de la textualité écrite.”

 

Nul n’a de “solution miracle” pour évaluer les écrits des élèves, dès lors que l’on confond évaluation et notation, ou plus “finement” évaluation certificative (DNB, bac français…) et évaluation formative.
Quelques pistes malgré tout :

  • mettre en place des écrits brefs,
  • inciter au pastiche,
  • faire rédiger des écrits de travail,
  • ne pas tout corriger, cibler,
  • faire la part entre la forme et le fond,
  • partir des écrits d’auteurs, modéliser (faire appel à des textes ou des fragments qui vont permettre une sorte de modélisation),
  • alterner les types et les genres d’écrit,
  • mettre en oeuvre des ateliers d’écriture,
  • écrire en collectif,
  • ne pas faire écrire tous les élèves le même jour,
  • faire écrire, beaucoup, tous les jours,
  • travailler sur des “problèmes d’écriture”,
  • penser à l’écriture en binôme,
  • en cours d’écriture, apporter des ressources lexicales pour soutenir, étayer, l’écriture des élèves.
    Et bien sûr, toutes les préconisations des membres du jury que nous lirons avec attention, à paraître le 11 avril prochain !

En attendant, des ressources éduscol, largement inspirées de tous nos conférenciers, à télécharger ….écrits courts, écrits de travail, situation d’écriture, évaluation…. piochez, c’est fait pour ça !

16ter_RA_C3_Francais_Ecriture_EVA_591940

15_RA_C3_Francais_Ecriture_EVALUER_591097

3-RA16_C2_FRA_3_differents_types_ecrits_courts_635237

2-RA16_C2_FRA_3_situation_ecriture_635232

17_RA_C3_Francais_Ecriture_norme_ecrit_591938

18_RA_C3_Francais_Ecriture_REECRIRE_591103