Jeudi 28 septembre dernier, le groupe des enseignants-ressource de notre diocèse se retrouvait pour la première rencontre de l’année autour de Christian Philibert. NeuroSciences et Intelligences Multiples étaient au menu (sans oublier toute sorte de quiches, cakes, raisin, fondant au chocolat, et autres douceurs pour nourrir nos cerveaux en ébullition !)

Comment suis-je intelligent ? Comment prendre en compte le faisceau de ces 8 compétences pour permettre aux élèves d’apprendre ? Mais aussi et surtout comment permettre aux élèves de découvrir le fonctionnement de leur cerveau lorsqu’il s’agit d’être attentif, de mémoriser, de restituer ?
Une journée ne suffit pas, bien sûr mais les mises en situation, les temps de structuration et les échanges de pratique qui ont ponctué cette rencontre constituent une bonne base pour continuer de réfléchir en équipe.

Alors qu’avons-nous glané tout au long de cette journée ? Des outils bien utiles pour varier, (n’oublions pas que le cerveau adore être surpris, étonné et qu’il en “fonctionne” d’autant mieux) , s’adapter, différencier.

💡 Le sketchnote pour mémoriser, être attentif et créatif, restituer… (cousin du mindmapping, avec une approche plus graphique)

Ici, il s’agissait, par groupes de 4/5 de rendre visible, sous la forme d’un sketchnote, ce que chacun avait compris de telle ou telle intelligence (piochée, et donc “imposée”)… Saurez-vous les nommer ? Vous l’aurez compris, la coopération et l’entraide ont régné en maitre lors de cette activité… !

 

 

 

 

 

 

 

 

Vous l’aurez compris aussi, il ne s’agit pas de s’enfermer dans une seule compétence, mais bel et bien de les entraîner toutes… Chaque fois que nous apprenons quelque chose de nouveau, de l’ordre de la connaissance, comme de la méthode ou du “geste”, notre cerveau se modifie ! La multiplicité et la variété de nos propositions permettront à chacun de nos élèves de “s’y retrouver” et de développer ou de renforcer de nouvelles habiletés. Nul besoin de faire des tests ! Le risque étant d’enfermer l’élève et de réduire les possibles.

💡 Alors comment “rendre visibles” toutes ces compétences ? Une proposition à adapter selon l’âge de nos élèves : l’étoile de mes intelligences … qui rejoindra celles de chaque élève de la classe pour former un magnifique ciel étoilé  de toutes nos compétences. Comment faire ? Une explication en texte et en image :

 

 

 

et l’image de l’étoile “vierge” à enregistrer si vous avez envie de vous lancer…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La journée s’est poursuivie par un travail coopératif, par cycle. Chaque groupe a fait le choix d’une notion, d’une habileté, d’un concept “phare” et a cherché comment permettre aux élèves de “s’en emparer”, en utilisant au moins 3 intelligences… Les idées n’ont pas manqué ! Allez, j’ai pioché les idées du groupe des maternelles.

 

💡 Concept choisi : Le temps qui passe, en maternelle

 

  • Utiliser régulièrement dans différentes situations le sablier, le time timer, différents calendriers et éphémérides (visuo spatial) ;
  • Observer, verbaliser le cycle des saisons, les différents moments d’une journée (un animal dans la classe, l’arbre qui change) ; (naturaliste, verbale linguistique) ;
  • Mimer des différentes étapes de la vie (kinésthésique/interpersonnelle) ;
  • Le tic-tac des horloges, les battements du cœur, chanter au rythme d’une
    mélodie  (musicale et rythmique) ;
  • Représenter les connecteurs de temps sur des étiquettes (velours/lisse/rugueux) + des couleurs (kinesthésique, visuelle spatiale et verbale linguistique) ;
  • Rédiger le journal de la classe avec des écrits, et des images (faire régulièrement des retours en arrière) (verbale linguistique) ;
  • Construire l’album photo (ou la “timeline”) avec des photos “au fil du temps” (intra personnelle).

Développer toutes les intelligences, être des enseignants/chercheurs et permettre à nos élèves d’être eux aussi des élèves/chercheurs, susciter la curiosité, renforcer la motivation, activer le circuit du plaisir … C’est le message transmis par Christian tout au long de cette journée et nous l’en remercions…
Etre renforcé dans ses convictions et nourri des idées, astuces et créativité des collègues, ça motive tout autant que ça ressource !! A nous de partager tout ceci avec nos collègues !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

💡 Pour aller plus loin et retrouver des vidéos et des documents sur le blog, c’est ici.

 

💡 La roue des émotions, à retrouver ici. Merci Stéphanie !

 

💡 Une envie d’aller à Paris à la cité des sciences pendant les congés d’automne ?
Une expo “neuroludique” vous y attend… Pas le temps d’y aller ? Alors téléchargez ici, différents outils pour les profs…

 

 

 

 

 

 

💡 Les vacances approchent, idéal pour écouter l’excellente émission “La tête au carré” du 10 octobre dernier 

clic sur l’image

 

 

 

 

 

 

💡 et pour réécouter l’émission au titre prometteur “Etes-vous intelligent ?”, avec pour invité… Christian Philibert et Nicolas Gauvrit, c’est ici.

💡 Mais aussi, ici, spécifiquement sur les intelligences multiples avec pour invité Olivier Houdé, une enseignante qui utilise les intelligences multiples dans sa classe et une journaliste.

Pour conclure (provisoirement, bien sûr), Christian a accepté de répondre à nos questions et nous donne quelques conseils de lecture, écoutons-le …

 

Christian, peux-tu nous raconter ta “rencontre” avec les neurosciences, et plus particulièrement avec les intelligences multiples ?

Ma rencontre c’est celle d’une recherche et d’une personne. La recherche était mienne depuis très longtemps. En effet, je me suis rendu compte, d’abord comme enseignant, ensuite comme formateur, qu’il était difficile de vraiment différencier sa pédagogie. Comme si depuis le XVIIème siècle, les deux vers de Boileau avaient court-circuité toute avancée dans ce domaine :

« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement,
Et les mots pour le dire nous viennent aisément. »

La formule paraît simple, mais elle est globalement inopérante dans une classe. L’enseignant a beau être clair dans ses explications, ce n’est pas ce qui ouvre la voie de la compréhension à tous ses élèves.

Ce que je voyais se mettre en place dans le domaine de la différenciation relevait toujours de l’organisation : modifier le temps, mettre les élèves en groupes, réorganiser des groupes de niveaux en remplacement des classes hétérogènes, etc.

Mais rien sur le fond, rien qui ne prenne vraiment en compte la personne de l’élève dans son fonctionnement.

Et puis, enfin, il y a eu la rencontre avec Christine Jourdain, la responsable de l’animation pédagogique de toute une congrégation, en l’occurrence la Présentation de Marie, basée en Ardèche, à Bourg Saint-Andéol. Cette congrégation dirige quatre établissements au Québec.

Christine et moi avons décidé de monter une semaine de formation là-bas, pour des enseignants et des chefs d’établissement. Deux thématiques nous semblaient de véritables avancées par rapport au système éducatif français : les intelligences multiples et la pédagogie coopérative.

Ce fut ma première formation au Canada. J’y suis retourné en 2010 avec une équipe d’enseignants du collège Saint Charles d’Angers. Un collège qui se lançait alors dans une expérimentation en Neurosciences avec Pascale Toscani.

 

Est-ce encore une mode ? une injonction ? une recette miracle ?

 

Si tu poses la question de cette façon, c’est qu’il existe en effet un risque de percevoir l’apport des intelligences multiples comme une mode ou pire encore comme le remède miracle pour résoudre les problèmes posés non seulement par l’hétérogénéité des élèves, mais bien plus encore par les difficultés de compréhension.

Les intelligences multiples ne sont qu’une théorie et non une vérité scientifique, même si le travail de Howard Gardner (le père des intelligences multiples) repose sur des observations scientifiques menées par un groupe de chercheurs sur plus de 4 ans.

Nous ne savons pas aujourd’hui s’il existe vraiment 8 intelligences. D’ailleurs Howard Gardner lui-même explique que derrière le terme d’intelligences multiples se cachent en fait des faisceaux de compétences. Et c’est précisément à partir de ces faisceaux de compétences que les enseignants vont tracer des routes de différenciation.

Il y a derrière ces huit intelligences, des éléments de bon sens qui nous parlent. Nous voyons bien que dans la vie, et pas seulement en situation d’apprentissage, nous avons recours à des stratégies différentes. Ces stratégies sont parfois efficaces pour certains et inopérantes pour d’autres. Nous n’apprenons pas tous de la même façon.

Entrer dans les intelligences multiples ne consiste pas à parcourir les allées d’un supermarché de solutions toutes faites, mais c’est au contraire s’engager dans une logique de recherche pour explorer des voies nouvelles. Les intelligences multiples ne sont pas des réponses, mais des façons de se questionner et de questionner celui qu’on accompagne dans ses apprentissages. C’est l’occasion unique pour des enseignants et des formateurs d’interroger ses pratiques professionnelles sans culpabiliser. Les intelligences multiples jouent alors un rôle d’analyseur.

 

En quoi la prise en compte des Intelligences peut-elle être profitable pour les élèves, mais aussi pour les profs ?

 

La réponse n’est pas la même pour les enseignants et pour les élèves.

Pour les enseignants, cette prise en compte a deux avantages :

La première c’est de comprendre que tous les élèves ne peuvent pas tous comprendre la même chose au même moment. Ce qui devrait avoir des répercussions sur la façon d’enseigner et d’évaluer.

La deuxième, comme nous l’avons souligné dès le départ, c’est de disposer de stratégies variées, pour ainsi dire inépuisables, de différenciation.

Pour les élèves, les profits sont de natures très variées :

Pour certains, la découverte de cette théorie leur permet de changer de regard par rapport au concept d’intelligence. Beaucoup d’élèves pensent qu’ils ne sont pas intelligents, notamment s’ils ne réussissent pas à l’école.

De là naissent des sources d’espoir : L’enfant se donne le droit de croire en lui, de croire qu’il est un débutant dans certaines intelligences, mais qu’il pourra toujours progresser. Il part d’un capital puisqu’il sait que nous possédons tous toutes les intelligences, mais que nos parcours de vie nous ont permis d’en développer certaines, tandis que d’autres sont restées en boutons.

Les intelligences multiples peuvent lui permettre d’échapper au déterminisme. Il n’est pas né avec une intelligence chiffrée et immuable. Il est né avec des ressources à découvrir et à exploiter.

Très tôt, les enfants initiés aux intelligences multiples peuvent s’engager dans la responsabilité de leurs apprentissages. Ils savent qu’ils doivent partir en quête de leur force, de leur point d’appui et qu’ils peuvent aussi développer des intelligences dont ils n’ont pas encore tiré profit.

En bref il y a cohérence entre des enseignants et des élèves qui deviennent tous les deux à leur façon, des chercheurs d’intelligence.

 

Des profs formés à la théorie des Intelligences, oui, mais, et les élèves ?

 

Les élèves doivent être initiés à la théorie des intelligences multiples. Ce sont toutes les raisons évoquées dans la question précédente qui fournissent des arguments à cette démarche si importante. Aucun enseignant ne peut apprendre à la place des élèves. Les intelligences multiples, nous l’avons dit, ne sont pas la solution à tous les problèmes que rencontrent les élèves, mais elles sont un bon moyen de leur apprendre à apprendre. Les initier à la théorie des intelligences multiples, c’est leur donner la carte et la boussole des apprentissages. A eux, grâce aux enseignants, de parcourir les territoires du savoir et de tracer leur route dans un système éducatif chargé de contenu, à travers des journées interminables.
Mais attention, cette initiation doit être pensée pour éviter des gouffres et des précipices terriblement dangereux. Je veux dire pas là que celui qui les initie doit éviter notamment les tests qui ré-enfermeraient les élèves dans des grilles ou des profils ; doit éviter de croire qu’il peut identifier les intelligences dominantes de ses élèves ; doit s’interdire de regrouper les élèves par intelligences dominantes.

En bref il doit sortir de toute démarche qui tendrait à enfermer ou à limiter les élèves en les privant de l’incroyable potentiel de développement qu’ils possèdent en eux.

C’est pourquoi je conseille toujours à ceux qui veulent se lancer dans les intelligences multiples de se former parallèlement en neurosciences : comment en effet aborder la question des intelligences multiples sans avoir une idée de la plasticité cérébrale, du développement du cerveau et de nos fonctions cognitives, sans rien savoir du fonctionnement de notre mémoire, etc. ?

 

Si tu avais quelques ouvrages à conseiller aux lecteurs d’  “Accueillir les Différences”, tu nous dirais…

 

 A propos des intelligences multiples et en dehors des ouvrages de Howard Gardner, je citerais volontiers :

A l’école des intelligences multiples – Bruno Hourst – Hachette Education

Apprendre à sa façon – Martine Daudelin – Editions de La Chenelière

Les trois livres intitulés :

Guide pour enseigner autrement – sous la direction de Bruno Hourst – Editions Retz

Cycle 1 – cycle 2 – cycle 3 : un livre par cycle.

Pour ce qui est des neurosciences, il est difficile de faire un choix. Je retiendrais trois livres :

Les neurosciences au cœur de la classe – Pascale Toscani – Editions Chronique Sociale – (avec son livret élève)

Apprendre avec les neurosciences – Pascale Toscani – Editions Chronique Sociale

Neurolearning – Dr Nadia Medjad, Philipe Gil et Philippe Lacroix – Editions Eyrolles

 

“L’enfant n’est pas un vase qu’on emplit, mais un feu qu’on allume.”
Montaigne